mardi 14 novembre 2017

Carnage sur le retail US

Régulièrement, un secteur entier de l'économie tombe en disgrâce auprès des investisseurs.

À une réalité défavorable s'ajoutent généralement des facteurs psychologiques comme :
  • La focalisation sur la situation à court terme
  • Le renforcement du comportement grégaire car nos vieux réflexes ressurgissent en situation de stress => suivi de tendance moutonnier
  • Le renforcement de l'aversion au risque et l'utilisation des cours boursiers comme confirmation de la gravité de la situation sous-jacente.

Tout cela est exacerbé par l'impact médiatique via la répétition du même sujet et l'utilisation de mots forts comme « Retail apocalypse ».

Ce fut le cas du secteur des matières premières fin 2015. Glencore était valorisé autour de 10 Mds GBP contre 52 Mds GBP aujourd'hui et Rio Tinto a connu un parcours similaire bien que moins impressionnant (structure capitalistique plus conservatrice).

Aujourd'hui il s’agit du retail US. La valorisation des chaines de distribution physiques  ainsi que celle des REITS de centres commerciaux a été massacrée ces derniers temps. J'aime suivre l'adage "Buy when there is blood in the streets" et là, je dois dire que l'on est face à un carnage !

L’aversion au secteur s’appuie sur deux éléments :
  1. Amazon prend des parts de marché énormes et comprime les marges du secteur (double effet : volume + marges)
  2. L’offre de boutiques physiques et centres commerciaux américains est considérée comme excessive (en termes de m² de surface commerciale par habitant, relativement à d’autres pays)

Ces deux points sont justes mais pas nouveaux non plus. La difficulté est d’évaluer le juste impact de ces éléments.

Observons ces sociétés en question et la façon dont le marché les valorise :

Name
EV/EBITDA
EV/EBIT
PER
EBIT margin
Foot Locker
2,59
2,99
5,94
13,0%
Bed Bath & Beyond
2,68
3,36
4,07
9,3%
L Brands
6,90
8,99
11,74
15,9%
(Cours du 8 novembre 2017, bilan du dernier trimestre et dernière année fiscale pour le compte de résultat)

Je reste frappé par la faiblesse de ces multiples. Surtout concernant Foot Locker qui détient plus d’un milliard de dollars en trésorerie (pas de dettes financières) et qui garde encore de belles marges. 

Avec un bilan aussi solide, des cash flows récurrents et une faible valorisation, elle constituerait ainsi une très belle cible pour un montage LBO !


Cours de l'action Foot Locker

Rachats d’actions

Il est à noter que BBBY (Bed Bath & Beyond) et Foot Locker rachètent leurs actions massivement. Cela, au rythme de 400 MUSD par an pour Foot Locker tandis que le nombre d’actions en circulation de BBBY est passé de 189 millions fin 2014 à 143 millions aujourd’hui soit une réduction de 25% du nombre de titres en circulation en 3 ans !

Cours de l'action BBBY (Bed Bath & Beyond)


Voici également quelques chiffres clés (montants en k USD) :
Name
Stock Price
Mkt Cap.
Financial Debt
Cash & Equivalent
Entreprise Value
Sales Turnover
EBITDA
Operating Profit (EBIT)
Net Income
Foot Locker
29,88
3 944 160
126 000
1 043 000
3 027 160
7 766 000
1 170 000
1 012 000
664 000
Bed Bath & Beyond
19,49
2 791 778
1 491 836
464 000
3 819 614
12 215 757
1 426 000
1 135 210
685 108
L Brands
47,38
13 590 479
5 767 899
1 360 253
17 998 125
12 574 000
2 608 000
2 003 000
1 158 000
 (Cours du 8 novembre 2017, bilan du dernier trimestre et dernière année fiscale pour le compte de résultat)

Concernant les REITS de centres commerciaux, c’est également l’hécatombe. Je citerai CBL qui s’échange à moins de 3x son FFO (Funds From Operations) et détient 119 propriétés dont 63 centres commerciaux.

Le risque est loin d’être nul étant donné le poids de la dette (4,2 Mds USD de dettes pour 7,5 Mds d’actifs en valeur comptable avant amortissement). La baisse constatée des loyers lors des relocations et le coût de réaménagement des centres commerciaux sont loin d'être négligeables. 

Enfin, nous constatons également que de nombreuses propriétés sont "rendues" au prêteur (le détenteur du mortgage devient propriétaire du centre commercial et la dette non-recourse s'éteint). Cela n'est pas très rassurant car cela signifie que CBL était en "négative equity" sur les centres commerciaux en question. Néanmoins le ratio risk/return me parait rester positif dans le contexte d’un portefeuille diversifié.

Cours boursier de l'action CBL
L’action CBL s’échange actuellement pour 5,5 USD pour 80 cts de dividende annuel (4 x 20 cts) et 2,08 USD de FFO. Cela donne 14,5% de dividendes "protégés" par un payout ratio de 38% seulement.

Les prochaines années nous diront si il s'agissait de réelles opportunités ou de "value-traps". En attendant, je suis la maxime : "Buy When There is Blood in The Streets" !


AMF : Je suis récemment devenu actionnaire de Foot Locker, CBL, L Brands et BBBY. Je ne compte pas vendre ces actions dans les prochaines 48h, il est possible que je fasse des transactions à l’achat.


Cet article ne saurait constituer une quelconque recommandation, il ne s’agit que d’une opinion personnelle et il revient au lecteur de vérifier la véracité des chiffres présentés. 

2 commentaires:

  1. Bonjour,
    merci pour cet article. Pourriez vous m'indiquer comment vous comparez les valorisations des entreprises analysées (EV/EBIT et EV/EBITDA) aux valorisations des autres entreprises du secteur? J'imagine que vous ne calculez pas ces ratios à la main pour toutes les entreprises d'un secteur?

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  2. Bonjour,

    Je surveille très régulièrement ces ratios pour de nombreuses entreprises. Je n'utilise pas de benchmark sectoriel mais je me fais ma propre idée de la moyenne du secteur en fonction de la qualité de l'entreprise.

    Selon la qualité de la société (marge d'EBIT, ROIC, qualité du management / gouvernance, ...) je m'attends à des valorisations différentes. J'aime bien placer les sociétés dans un graphe avec la marge d'EBIT en abscisse et l'EBIT/EV en ordonné par exemple.

    Le tout est de comparer ce qui est comparable. Le PER moyen du DOW JONES n'est pas un indicateur pertinent si ses composantes sont valorisées de façons très différentes.

    Donc oui, beaucoup de calculs manuels, mais cela me permet de mieux appréhender les chiffres.

    Deux jours après la publication de cet article, Foot Locker s'arroge +28%. J'ai eu de la chance sur le market-timing :-)

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