dimanche 19 juin 2016

L'Âge du fer

Camions autonomes, région de Pilbara, Australie.
Nécessaire à la production de l’acier qui est utilisé massivement par le BTP et dans le secteur automobile, le minerai de fer est une des ressources clé de notre quotidien. Chaque jour, une poignée de géants extrait cette matière première par millions de tonnes, 24h/24, 7 jours sur 7. Inlassablement.

Le ballet logistique de camions autonomes, de wagons et de vraquiers répond à une réalité économique implacable. Dans ce business, chaque centime économisé sur la production et l’acheminement d’une tonne de minerai correspond à un gain se comptant en millions de dollars en fin d’année.

Quatre géants se partagent 61% du marché. Il s'agit de Rio Tinto (19%), du brésilien Vale (17%), de BHP Biliton (15%) et  de Fortescue Metal Group. La concentration du secteur se renforce actuellement au grand dam des producteurs marginaux qui se voient contraints de sortir du marché.

Parts de marché du minerai de fer (cliquez pour agrandir)


En effet, le cours du minerai de fer est passé en dessous du coût de production de nombreuses sociétés minières (celles se situant dans le dernier quartile en termes de coûts de production). Il va sans dire que ces sociétés se sont donc retrouvées dans une situation financière délicate. Certaines ont déjà déposé le bilan et d’autres « s’agrippent du bout des ongles » pour reprendre l’expression de Sam Walsh (CEO de Rio Tinto).

Cours du minerai de fer sur 10 ans (cliquez pour agrandir)

L’Australie et le Brésil sont les plus gros exportateurs de minerai de fer. Ce minerai converge principalement vers la Chine, plus gros producteur mondial d’acier. C’est ainsi de façon naturelle que l’indice de référence du négoce de minerai de fer correspond à une livraison CFR à un port chinois (Tianjin / Dalian / Qingdao pour citer les principaux) avec une concentration de 62% en fer.

Principales mines et réserves de minerai (cliquez pour agrandir)
Pour résumer, l’idéal pour une minière est d’exploiter un gisement riche en fer (de grade DSO –Direct Shipping Ore- si possible), accessible (à fleur de la surface idéalement), bien relié à un port (voie ferrée ou fluviale) qui se trouve lui-même le plus proche possible d'un port chinois… En se basant sur ces critères, la région de Pilbara en Australie (nord ouest du pays) se retrouve en 1ère place sur le podium, profitant principalement à Rio Tinto et BHP.

Quant à Vale au Brésil, elle a cherché à compenser son éloignement géographique par l’utilisation d’une impressionnante flotte de VLOC (Very Large Ore Cariers, « Valemax ») : de nouveaux monstres marins transportant jusqu’à 400 mille tonnes de minerais de fer chacun ! La faiblesse actuelle du coût de l’énergie contribue également à réduire le delta de coût de transport vis-à-vis de ses concurrents australiens. De plus, un immense projet, baptisé S11D, est en train de sortir de terre au Brésil. Il s’agit d’un investissement colossal de 20 Mds USD qui ambitionne une production annuelle de 90 Millions de tonnes de minerai associée à des coûts d’exploitation extrêmement bas.
Route des Valemax vers l'Asie (cliquez pour agrandir)


En attendant que le marché se ressaisisse, les 3 majeurs devraient très probablement continuer à faire des bénéfices sur cette activité, restant les producteurs à plus bas coût du secteur. Il s’agit vraiment de « cash-cows » dont les marges restent importantes. Nous verrons dans les prochaines années si la stratégie de « predator pricing » poussée par les trois majors se révèle payante (c’est-à-dire si le marché aura éliminé les acteurs marginaux / trop endettés).

La valorisation de ces minières est prévue pour un prochain article, avec tous les ratio et analyses de cash flows qui vont bien !

AMF : je suis actuellement actionnaire de Rio Tinto et je ne compte pas acheter ou vendre de titres d’aucune entreprise citée dans cet article au cours des prochaines 48h. Cet article ne saurait constituer une quelconque recommandation d’achat ou de vente et n’exprime qu’une opinion personnelle.