mercredi 6 novembre 2013

Le LBO parfait



J’aimerais revenir sur un cas de LBO (leverage buy out : rachat d’entreprise avec effet de levier) que je considère comme emblématique car cette opération a été menée avec brio en utilisant les principales techniques d’ingénierie financière pratiquées par les fonds de capital investissement.

Il s’agit du LBO mené en 2004 par Blackstone (fond d’investissement américain) et dont la cible était Celanese, société allemande dans l’industrie chimique.

Ce groupe était une cible idéale pour plusieurs raisons aux yeux de Blackstone :
  1. Cash-flows suffisamment importants et stables  (nécessaire pour soutenir un tel montage)
  2. Faible valorisation (liée au contexte macro et au fait que l’activité soit cyclique)
  3. Organisation loin d’être optimisée (lié à l’historique de la société, née de successions de fusions et acquisitions. Par exemple le siège était en Allemagne alors que 80% de l’activité était basée aux USA)
  4.  Un management trop bureaucratique (donc à remplacer au moins partiellement)
  5. Amélioration possible de la productivité de différentes usines (via des investissements en matériel performant et autres CAPEX)
  6. Présence d’actifs et d’activités non rentables (à liquider)
  7. Différence de multiples de valorisation utilisés entre Francfort et New York
  8.  La possibilité à terme de baisser le coût de financement de Celanese (grace à l’augmentation prévue du cash-flow une fois les opérations de restructuration terminée).

Tous ces éléments ont été utilisés au maximum lors de cette opération et l’effet de levier créé par la dette (niveau holding) a amplifié le tout. Je passe les classiques avantages de la déduction fiscale des intérêts ainsi que la protection juridique apportée par l’utilisation d’une holding.

Déroulement de l’opération (résumé):

Mai 2004 : Après de multiples négociations avec les actionnaires principaux de Celanese, Blackstone acquière 84% des actions pour 3,9Mds de dollars ce qui correspond à un peu plus de 4x le cash-flow. Blackstone n’apporte que 650M$ de fonds propres et emprunte « le reste ».

Septembre 2004 : Après avoir mené plusieurs opérations de restructuration et déplacé le siège aux Etats-Unis, Blackstone fait émettre 513M$ par Celanese qui redistribue immédiatement ce montant en dividendes. Blackstone récupère ainsi 75% de son investissement initial au bout de 5 mois.

Janvier 2005 : Blackstone lance l’introduction en bourse de Celanese sur le New York Stock Exchange via une émission de titres. Celanese cote désormais à un multiple de 6,4x son cash-flow (contre 4x initialement). Cette opération rapporte 800M$ de cash à Blackstone qui conserve encore le contrôle de la boite.

Mai 2007 : Blackstone vend ses dernières actions de Celanese… l’ensemble aura finalement rapporté 2,9Mds de dollars de profits pour Blackstone pour un investissement initial de 650M$.


Blackstone aura donc multiplié son investissement par 5 en 3 ans. En fait, après calcul et étant donné que pas mal de cash avait été récupéré dès la première année, le taux de rentabilité interne se retrouve propulsé à un niveau stratosphérique : +348% annuel.

Tableau récapitulatif des cash-flows (niveau holding, pour Blackstone et ses co-investisseurs, en millions de dollars):

Bon ok, je peux aller me rhabiller avec mes +16,4% annuel :D